Témoignage sur la scolarisation d’Emil en école maternelle par Dagmar Kiderlen

La « carrière préscolaire » d’Emil :

Emil a été diagnostiqué à l’âge de cinq semaines, alors qu’il se trouvait encore en néo-nat. Dès trois semaines, il a bénéficié de séances de kiné et d’ostéopathie.

Il a été suivi au CAMSP à partir de 3 mois (kiné, puis, un peu plus tard, éducatrice spécialisée et psychologue, et ensuite orthophoniste).

Il est entré à la crèche à un an, d’abord 2 jours par semaine, puis en augmentant jusqu’à 4 journées entières par semaine. La directrice de la crèche connaissait déjà le syndrome. L’accueil d’Emil fut très chaleureux.

A 3 ans, l’équipe de la crèche, l’équipe du CAMSP et nous-mêmes, les parents, avons jugé qu’il serait préférable pour Emil de rester encore une année à la crèche, ce qui n’a pas posé de problème car la crèche avait un agrément pour garder les enfants jusqu’à quatre ans.

A 4 ans, entrée en maternelle publique, 4 journées entières par semaine avec une bonne partie des enfants de son groupe crèche.

Nous avions rencontré au préalable en juin la directrice de l’école en présence de l’équipe du CAMSP pour préparer le terrain et demander une AVS pour la rentrée.

La directrice de l’école et la maîtresse d’Emil ont insisté sur le fait qu’il est très important de communiquer : « La pire des choses est de voir arriver un enfant avec des difficultés, sans que les parents en aient rien dit. Ça fait perdre du temps à tout le monde, notamment à l’enfant. Il faut dès le départ travailler ensemble, informer, vaincre la peur de l’inconnu ». C’est le moment aussi de donner la brochure « Je vais à l’école » de l’association.

En petite section, Emil n’est pas encore propre (il ne le sera qu’au milieu de la moyenne section), il y a une ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelle) en classe et, dès novembre, une EVS (emploi vie scolaire) sept heures par semaine.

En moyenne section, le temps de l’EVS est augmenté et passe de sept heures à douze heures. En grande section, Emil a la chance d’avoir une maîtresse avec une formation spéciale pour enfants handicapés ainsi qu’une AVS (Auxiliaire de vie scolaire) plus de douze heures par semaine.

Une coopération très étroite :

Une fois par trimestre il y une réunion avec toute l’équipe : directrice, maîtresse, psychologue de l’école, conseillère à la scolarisation, RASED, enseignante référente (qui fait le lien entre l’inspection académique et la MDPH), médecin scolaire, éducatrice et orthophoniste du CAMSP, les parents et j’en oublie peut-être.

On fait le point sur l’évolution parcourue, on se met d’accord sur ce qu’on peut exiger d’Emil et ce qu’il n’est pas encore en mesure de faire, on prépare les orientations à prendre, le PAS (protocole d’accompagnement de la scolarisation) et les dossiers pour continuer à bénéficier d’une AVS, etc.

La grande question : l’alimentation  à l’école ?

La directrice a l’excellente idée de tourner le problème en « avantage » :

1)   dans un souci de vrai travail pédagogique pour tous les enfants, pour que le travail ne soit pas interrompu par des collations le matin et des anniversaires à tout bout de champ et pour aller dans le sens de la lutte contre l’obésité générale, elle a supprimé les collations et réduit les anniversaires qui sont regroupés sur le dernier vendredi de chaque mois. Toute l’équipe des neuf enseignants a adopté le même principe.

2)   pour la sécurité d’Emil et des autres enfants présentant des particularités alimentaires (allergies, diabète, …) et pour séparer activité scolaire et alimentation, toute nourriture en dehors de la cantine est proscrite. Donc, rien dans les classes, rien dans les couloirs, rien dans les poches. Les sacs de goûter des enfants qui restent au goûter sont dès le matin regroupés dans la cantine.

3)   plusieurs enfants ont un PAI (protocole alimentaire individuel), avec ordonnance médicale, ce qui a permis de demander à la mairie une assistante de plus à la cantine pour surveiller la « table des PAI » . Emil mange la même chose que les autres, ce qu’il faut surveiller, ce sont les quantités.

Une autre question : la fatigabilité :

En petite section, Emil faisait la sieste avec tous ses camarades, en  moyenne section, il allait au dortoir des petits, en grande section, il faisait une sieste 2 fois par semaine, les jours où, après l’école, il allait au CAMSP. Quand il se donne à fond le matin, il est très fatigué l’après-midi, mais récupère vite en dormant un peu en salle de classe.

Emil est très heureux à l’école, il veut faire aussi bien que les autres et est donc très motivé. J’ai l’impression qu’il est très bien accepté par ses camarades et l’équipe fait tout pour qu’il le soit.

Pour l’année prochaine il est prévu qu’il aille dans une CLIS, et ce sera encore une autre aventure.

Précisions de la part de  la directrice :

EVS ou AVS ne sont attribués qu’après une demande faite en REE (réunion d’équipe éducative) autour d’un PPS (projet personnalisé de scolarisation). Ce PPS est le point de départ de toute demande faite à la MDPH pour permettre une scolarisation, dans de bonnes conditions, des élèves porteurs de handicap. Emil a été accompagné par Fatima, dont le contrat d' »EVS d’accueil » (3 mois) a été transformé en « EVS » (6 mois renouvelables), puis par Ouahiba, AVS : son parcours est, en ce sens, exceptionnel et il ne faudrait qu’il masque la réalité. Combien d’élèves, parfaitement scolarisables, ne le sont pas faute d’accompagnement adapté à l’école ?

– Le PAI, (projet d’accueil individualisé), fait à la demande des familles auprès du médecin scolaire, permet aux élèves de bénéficier de soins ou traitements à l’école : le PAI « alimentaire » d’Emil est accompagné d’une ordonnance médicale qui prévoit une surveillance individuelle par un animateur de restauration supplémentaire « à table » avec l’enfant.

Le taux d’encadrement en restauration scolaire est de un animateur pour trente enfants (un pour quarante en élémentaire). il est important de ne pas minimiser les difficultés que l’on rencontre pour obtenir l’application effective du PAI alimentaire, et ce malgré l’ordonnance du médecin, les précisions du médecin scolaire et les lettres d’appui des parents.

Contrôle des progrès scolaires d’Emil

Vous trouverez dans le bulletin officiel hors série N°3 du 19 juin 2008 (http://www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/programme_maternelle.htm) les six domaines d’apprentissages et les compétences attendues d’un élève en fin d’école maternelle. Chacune de ces compétences a fait l’objet d’une vraie réflexion, en collaboration avec la conseillère à la scolarisation: comment et à quel moment les présenter, comment les adapter, comment leur donner du sens, sur lesquelles insister ou, au contraire, lâcher du lest, etc.

Questions fréquentes :

Comment est perçu Emil par les autres? Tous les parents connaissent-ils son syndrome? Est il invité chez les copains?

Réponse : Les autres parents ne sont pas tous au courant du syndrome, seulement ceux avec qui il y a un contact plus étroit. Les invitations chez les copains sont très rares. La vie sociale des enfants Prader-Willi (et de leur fratrie !) est tout un chapitre à elle seule.

Cette prise en charge est idéale ; tant mieux pour Emil ! Mais c’est rarement le cas et cela repose sur la motivation des enseignants et de la directrice, en fait, sur l’accord de toute une école qui se bat pour se donner les moyens d’agir.

Réponse : Tout à fait ! Nous sommes conscients d’avoir beaucoup de chance et nous remercions tout particulièrement l’équipe de l’école. Je ne prétends pas que l’intégration scolaire se passe toujours et partout ainsi. Mais l’exemple d’Emil prouve que c’est possible.