Cet article reprend les textes qui ont été lus lors de l’adieu à Séverine, la fille ainée de Marie-Odile et François Besnier, décédée à l’age de 47 ans le 5 décembre 2017.
C’est avec beaucoup d’émotion que nous les publions, tant ils témoignent de l’enrichissement réciproque qui peut s’établir entre un enfant porteur du syndrome de Prader-Willi et ses parents avec la fratrie, sans oublier l’apport à toute la communauté Prader-WIlli France.


Séverine n’aura pas ouvert ce mardi 5 décembre 2017 au matin la fenêtre 5 de son calendrier de l’avent ….. Elle dormait paisiblement et ne s’est pas réveillée.
Elle nous a énormément demandé mais elle nous a aussi beaucoup donné ….Son sourire et sa joie de vivre vont nous manquer.
Nous lui avons dit adieu vendredi 8 décembre, entourés de sa famille et de très nombreux amis.
Merci à tous de votre si chaleureuse présence, physique ou virtuelle.


« Tu es née il y a 47 ans, poupée de chiffon, princesse endormie,  qui ne semblait pas pressée d’ouvrir les yeux. Alors, avec toute la force de notre amour, la formidable énergie de Marie-Odile, nous t’avons mise au monde une deuxième fois, dans les larmes et l’espoir.
Et tu as ouvert tes superbes yeux bleus, tu nous as souri, tu as parlé, marché, fait du vélo, lu, écrit, nagé …avec une formidable force de vie. Et nous t’avons aidée à te faire un chemin dans la vie. Avec toi, nous nous sommes cognés aux multiples obstacles que ce monde, plus fait pour les forts que pour les êtres différents, fragiles et vulnérables comme toi, que ce monde dressait sur notre chemin, à tes côtés.
Tu nous as appris à repousser les murs, à enfoncer les portes, à ne jamais accepter l’inacceptable. De ta faiblesse, nous avons fait une force.

Oui, la vie n’a pas été simple. Nous avons traversé ensemble des moments très difficiles avec Marie et Julien témoins blessés, meurtris, impuissants. Nous voulions vous protéger tous les deux, mais avons été maladroits, pas assez présents, enfermés dans notre souffrance, ce que nous n’avons compris que tardivement.
Mais nous avons aussi vécu de formidables moments, de rires, de joie, avec vous, nos familles et des amis fidèles à nos côtés qui nous ont soutenus, qui t’ont aimée, que tu as aimés.

Ta fragilité était désarmante, ton besoin d’être aimée souvent dévorant. Oh ces câlins qui nous enserraient et nous broyaient ! Oh ces bisous qu’il fallait arrêter « deux bisous Séverine ! » Tu savais être drôle aussi, quand tu chantais Boby Lapointe, quand tu dansais, petit ours balourd, joyeuse, heureuse, émouvante…
Tu étais tellement complexe, avec tes comportements d’enfant et tes questionnements d’adulte !
Tu vas laisser un vide énorme dans nos vies, mais aussi une trace formidable et belle pour tous ceux qui ont croisé ton chemin.

Je me demande si tu n’as pas choisi de partir maintenant. Avec l’âge, la vie allait devenir compliquée pour toi et pour nous, et pour Marie et Julien.
Alors tu es allée faire un dernier tour de manège au marché de Noël, en riant aux éclats. Tu as du boire une dernier petit crème, « pas si petit que ça » comme tu disais à chaque fois, fumé une dernière cigarette. Et tu t’es endormie paisiblement, sur le côté.

Je vais être obligé de te laisser. J’ai pas mal de choses à faire et j’aurais trop de choses à te dire. Marie-Odile aussi mais si elle a du mal à parler en ce moment elle entend ce que je te dis…
Je vais raccrocher. Séverine, copain, copinot, tchao, tchao, tchao…. »

Chat / François et Maman »


« Séverine,
Cela fait deux jours que je tourne et retourne des mots dans ma tête, sur le papier, pour te raconter, pour parler de toi, de ta vie et surtout de ce que tu as fait … ce que je suis moi.
Je ne peux pas copain.
Parce que je n’accepte pas, parce que c’est trop tôt.
Tu pars comme ça, sans un bruit, sans rien dire, doucement, si doucement, endormie. Tu laisses ce vide, ce gouffre dans mon coeur et dans mon corps. Mais moi, j’avais prévu de t’accompagner, de t’entourer, de t’aimer encore quand vous ne seriez plus la tous les deux. Mais tu ne m’as pas laissé le temps. Tu ne m’as pas laissé le temps de te dire mon amour, ma tendresse, et de te donner beaucoup plus que ce que je t’ai déjà donné.
Alors je n’ai pas de mots, ma sœur, ma grande sœur pour te dire adieu. Je n’ai que quelques mots pour te dire au revoir. »
Marie


« Séverine, copain, ma très grande sœur, tu es partie sans bruit, tout en douceur, paisible en nous laissant dans un silence assourdissant.
Ça fait mal, tu me manques tellement déjà.
C’était trop tôt, trop court, pas possible.
Comment on va faire sans tes éclats de rires, tes joies sincères et sans retenues.
Sans tes câlins si forts, tes bisous trop nombreux, ton sourire qu’on pouvait lire jusque dans tes yeux pour chaque grand ou petit bonheur.
Sans toutes tes différences tellement enrichissantes, tellement vraies, si dures parfois car trop injustes.
La vie va nous paraître bien lisse, bien plate, trop normale…
Alors je pense à toi, copain, et je n’ai que des moments heureux qui me reviennent.
Et je sais que tu as eu quantité de bonheurs, de joies.
Que malgré tout ce qui a pu être compliqué, difficile pour toi dans ce monde trop rigide, trop normé, pas adapté à ta différence pourtant si riche et si belle, que tu as eu une belle vie.
Que tu nous as offert une vie pas ordinaire, extra ordinaire pleine de couleurs, de bruits, d’amour, d’émotions. Beaucoup d’émotions.
Une vraie vie. Avec toi. Grace à toi.
Je me souviendrai, on se souviendra tous. De toi, de tout ce que tu étais, de tout ce qu’on a eu la chance de partager à tes cotés, de tout ce que tu nous as apporté.
Tu nous quittes Séverine. Mais nous on te garde. Avec nous, en nous pour toujours. »
Julien